Comme le veut la tradition, c’est le 1er novembre que Marlenheim se recueille en mémoire de toutes les victimes de la Grande Guerre et de celles et ceux que les conflits ont séparés, meurtris ou arrachés à leur terre.
A l’invitation de la commune, j’ai eu l’honneur de participer à cette cérémonie et d’y prononcer un discours que je partage ci-après dans son intégralité.
En Alsace, la mémoire du 11 novembre porte un accent particulier : celui d’une région ballottée par l’Histoire et par la longue réconciliation des mémoires.
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Voici le texte de mon intervention :
Monsieur le Maire,
Mesdames et Messieurs les adjoints et membres du Conseil municipal,
Monsieur le Député-suppléant,
Chers anciens combattants,
Mesdames et Messieurs,
Chers habitants de Marlenheim,
Permettez-moi de m’associer à toutes les salutations qui ont été adressées en début de cérémonie,
Je voudrais partager avec vous quelques mots du célèbre poilu Henri Barbusse qui écrit dans son ouvrage Le Feu : «Depuis plus de quinze mois, depuis cinq cents jours, la fusillade et le bombardement ne se sont pas arrêtés du matin au soir et du soir au matin. On est enterré au fond d’un éternel champ de bataille ; mais, comme le tic-tac des horloges de nos maisons, on n’entend plus que cela lorsqu’on écoute. »
C’était cela, la Première Guerre mondiale : une guerre des tranchées, une guerre interminable, une guerre qui engloutissait les jours et les nuits, la jeunesse et l’espérance. La France y a perdu 1,4 million de ses enfants, et en a vu quatre millions d’autres meurtris à jamais. Dans le monde, neuf millions de morts, vingt et un millions de blessés. Mais comment se représenter un tel gouffre ? Comment donner un visage à l’inimaginable ?
La Première Guerre mondiale, c’est un drame dans chaque famille, une absence dans chaque foyer, un nom gravé sur la pierre dans chaque village. Et cent sept ans après l’Armistice, la France entière continue de se recueillir — parce que le souvenir ne s’efface pas.
Ici, à Marlenheim, devant ce monument aux morts, nous rendons hommage à vos enfants : aux pères, fiancés, enfants, frères, amis — tous ceux qui ont donné leur vie pour que la nôtre demeure libre. Leur nom, gravé dans la pierre, nous rappelle que la mémoire ne se vit pas qu’un jour par an : elle palpite chaque jour au cœur de nos cités, comme un souffle silencieux.
En Alsace, cette mémoire porte un accent particulier. Lorsque la guerre éclate, notre région n’est plus française depuis plusieurs décennies, depuis le traité de Francfort. Et pourtant, dans les cœurs, la France n’avait pas disparu. Nombreux furent ceux qui durent combattre sous un uniforme qu’ils ne voulaient pas porter — des soldats « malgré eux ». On oublie souvent que cette expression s’applique déjà à la Première Guerre mondiale ; les « incorporés de force », eux, viendront plus tard, lors de la Seconde.
Après cette hécatombe, on avait juré : plus jamais ça. Ce devait être la der des ders. Et de cette promesse sont nées de grandes espérances : la Société des Nations, le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, et les prémices du droit international moderne. Mais moins d’un quart de siècle plus tard, la folie des hommes reprenait le dessus. La Seconde Guerre mondiale déferla, plus brutale encore, emportant cinquante millions de vies.
En Alsace, la tragédie fut double : annexés, incorporés de force dans la Wehrmacht ou la Waffen SS, nos aïeux vécurent un drame longtemps tu, longtemps ignoré.
Et ce n’est que maintenant, le 11 novembre 2025, qu’une plaque sera apposée par le Président de la République à l’Hôtel des Invalides, reconnaissant enfin les souffrances des Alsaciens et des Mosellans.
Oui, Mesdames et Messieurs, il faut du temps pour apaiser les blessures, pour réconcilier les mémoires.
Il faut du courage, de la patience, des bâtisseurs de paix.
De ces cendres est née une énergie nouvelle. Après 1945, les nations ont voulu conjurer la barbarie : on a créé l’Organisation des Nations Unies, la Cour internationale de Justice, et ici même à Strasbourg, le Conseil de l’Europe et la Cour européenne des droits de l’homme.
Et dans le sillage de ces élans, l’Europe s’est construite — pas à pas, lentement, patiemment. Une Europe des solidarités concrètes, des échanges, des coopérations, une Europe des « petits pas » pour que jamais plus les armes ne parlent entre nous. Et cela a marché. Depuis plus de quatre-vingts ans, les nations européennes ne se sont plus fait la guerre.
Alors, devant ces monuments, souvenons-nous : ces hommes ne sont pas morts en vain. Ils se sont battus pour une idée — celle de la liberté, de l’égalité, de la paix. Leur héritage vit dans ce projet européen, ce bien si précieux, si fragile, et pourtant si essentiel.
Et pourtant, partout autour de nous, les ombres reviennent. Les appétits des grandes puissances fascinent. À quelques heures de vol d’ici, l’Ukraine résiste héroïquement à l’invasion. À Gaza et au Proche-Orient, la douleur s’éternise. Au Soudan, la famine ravage. Et dans bien d’autres lieux du monde, la loi du plus fort tente de s’imposer à nouveau.
Face à cela, notre devoir est clair : résister. Résister par la raison, par la lumière, par le droit. Car si le droit international s’effondre, qui dira à Poutine qu’un pays souverain ne s’envahit pas ? Qui rappellera à Netanyahou que, même après l’horreur du 7 octobre, nul ne peut justifier la famine et la mort de milliers d’enfants ? Le droit n’est pas la vengeance : il est la digue contre la barbarie.
Mesdames et messieurs, le 11 novembre est devenu le jour de tous les morts pour la France — ceux de toutes les guerres. Et mon vœu le plus cher, c’est que cette liste s’arrête. Plus de guerres mondiales, plus de conflits fratricides, plus d’attentats — que cela cesse enfin.
Nous sommes le pays des Lumières. Le pays qui croit en la raison, en la justice, en l’humanité. Et nous devons défendre ces valeurs avec la même force que ceux qui nous ont précédés.
La France, pour cela, se dote d’une armée forte, d’une défense moderne. Mais la puissance d’une nation ne se mesure pas qu’en armes : elle se mesure en courage, en cohésion, en fidélité à ses valeurs. Elle se mesure aussi au soutien apporté par la nation à nos forces armées.
Je veux ici saluer nos soldats, nos forces armées, déployées partout dans le monde pour défendre la liberté et la paix.
Mesdames et Messieurs je terminerai en disant qu’en ce jour de mémoire, souvenons-nous que commémorer, ce n’est pas se tourner vers le passé : c’est puiser la force d’affronter l’avenir.
En pensant à ceux qui ont vécu l’horreur des tranchées, à ceux qui ont tenu dans la peur et la boue, à celles qui ont travaillé, espéré, prié, nous affirmons notre fidélité à leur message.
Nous honorons leur courage, leur dignité, leur sacrifice. Et nous nous engageons à préserver ce qu’ils nous ont légué : une Nation forte, une République vivante, une Europe de paix.
Vive la paix, Vive la République, Et vive la France.
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